Who we want to be - Lucifer

L'étalon vagabondait sur les terres. Comme à son habitude, il n'avait aucune idée d'où il allait. Il lui arrivait presque d'oublier d'où il venait. Mais pas cette fois. Monsieur venait des territoires volants. Ceci, il ne pouvait l'oublier. Sa rencontre avec l'étalon crème l'avait laissé quelque peu sur sa faim. Il ignorait encore un bon nombre de choses et cela ne lui plaisait guère.

En temps normal, Magànyos n'en aurait eu que faire d'ignorer quelque chose. Cependant il ne s'agissait pas d'un sujet ne le concernant pas. Il était ridicule à ses yeux de n'être capable de répondre à ses propres questionnements sur sa propre personne. Il tournait en rond. Ou du moins en avait la forte impression. Sa queue fouetta l'air violemment. De peu et tout cela le rendrait fou. À défaut d'avoir des réponses, ne pouvait-il tout simplement pas avoir des indices ? Non pas qu'il se trouvait un peu voire énormément comme un pauvre petit poussin égaré au bord du chemin mais il se sentait un peu voire énormément comme un pauvre petit poussin égaré au bord du chemin.

Le bai s'arrêta au beau milieu de la plaine du songe. Cette étendue verdoyante était bel et bien l'endroit adapté à la réflexion. Mais trouverait-il pour autant réponses à ses questions ? Certainement pas. Il soupira. Pourquoi ne pouvait-ce être simple ?

Les yeux rivés vers les nuages, l'air soulevant délicatement sa crinière, il murmura.

_ Si seulement tout pouvait être plus simple...

Il ne demandait pas la lune. Il savait fort bien qu'il s'était lui-même placé dans sa situation. Mais maintenant, il lui fallait s'assurer qu'il n'aurait aucun regrets. Il secoua la tête. Ou alors il avait tout bonnement besoin de se changer les idées.

À quoi bon lui servirait-il d'avoir de quelconques regrets ? À quoi bon éprouver un sentiment aussi inutile ? Et le doute ? Pourquoi en avait-il aussi ? À quoi donc tout cela pouvait-il rimer ? L'étalon se perdait. Or en se perdant, il découvrait de nouvelles parcelles de son être donc il ignorait encore l'existence quelques mois plus tôt.

Le doute n'avait aucun avenir et pourtant, il se cramponnait à ce sentiment ; bien que fort ridicule à ses yeux. À quoi cela rimait-il ? Il n'y comprenait rien. L'ibérique ignorait comment il pouvait lui être possible d'en arriver à une telle remise en question. Lui qui avait été jusqu'à trahir son propre sang, la chaire de sa chaire, pour tout simplement en venir à se demander s'il n'était pas souhaitable de regretter ses choix. Il n'y croyait pas.

À quoi bon éprouver de tels sentiments ? Pourquoi ne pouvait-il point retrouver cet étalon de marbre, celui là même qui avait rejoint les rangs de la Victoire ? Pourquoi avait-il l'effroyable impression de se trahir ? Il ne pouvait comprendre. De peu et tout cela allait finir par le rendre fou. Fou, lui. C'en était risible. Jamais il ne se serait cru capable de perdre pied à se point. Perdre. Il perdait. Il perdait face à sa propre conscience. C'en était ridicule. Pathétique. Écœurant. Minable.

Oh minable il l'était.

Laissant échapper un sursaut, il tourna la tête vers celle qui venait de prononcer son nom. D'un rapide coup d’œil, il l'identifia. Seuls ceux combattant de son côté étaient en mesure de connaître son nom. Et encore, il était plutôt discret. Mais cette allure d'étalon ne lui disait guère peu de choses. C'était sans compter cette odeur féminine. Assurément, il avait bel et bien la Dame rebelle devant lui. Il sourit légèrement. C'était bien sa veine de tomber sur un des siens alors qu'il ne se portait pas au meilleur de sa forme.

_ Lucifer... Tu n'es donc pas en train de dompter les étalons moqueurs ?

Magànyos n'avait pas oublié les paroles du crème. Une question occupait momentanément son esprit. Et elle, serait-elle capable d'unité ? Lui, solitaire de son état, craignait ne pouvoir en faire preuve.

L'ibérique arqua un sourcil, intrigué par la noiraude. Voici quelque chose de bien intéressant. Un fin sourire s'étira à la commissure de ses lèvres. Oh, elle ne se trompait pas. Bien au contraire. Seulement il était un peu surpris de l'entendre parler ainsi sans raison apparente. De peu et il aurait cru se voir dans une glace.

Magànyos avait pour habitude d'engager la conversation en cherchant à tester son interlocuteur. Or, exceptionnellement, il semblait que les rôles furent inversés. À quoi jouait la Bêta ? Cherchait-elle à le tester, tout comme il l'aurait fait normalement ? Il n'en avait pas la moindre idée. C'est cela justement qui l'amusa. Sa curiosité était piquée.

_ Le passé n'est qu'une trace. Avec le temps, il disparaît.

Son dos se tendit, son corps se redressa. D'un coup de tête, il dégagea ce toupet qui obstruait sa vue. Et il ricana. Oui, il ricana.

_ Tout le monde traîne derrière lui un fardeau plus ou moins sombre.

Si elle espérait le voir se confier à elle, elle pouvait toujours rêver. C'était lui qui posait les questions. C'était lui qui était l'inconnu, le fantôme des troupes. Et il comptait le rester. Faire route seul avait toujours été dans ses principes.

_Quel fardeau portes-tu, Dame des enfers ?

Lui, fier étalon de son état, ne portait d'autre pêché que son avarice. Il en voulait plus, toujours plus. Inlassablement. Son passé, il en avait fait abstraction. Et puis, il ne pouvait faire marche arrière et le savait. Même en dépit de ce doute qui l'occupait. Il ne pouvait revenir sur ses pas. Le passé était un fardeau qu'il avait choisi d'ignorer. Seul l'avenir comptait. Seul l'avenir l'importait. Seule la Victoire le faisait douter.